La scripte est la mémoire du film - la « Fée Clochette » - elle me reparle du scénario quand je m’en éloigne plus ou moins volontairement. Elle s’assure qu’il s’agit d’un choix et non d’un oubli. Elle assure la continuité du film, non seulement les raccords localement, mais aussi la cohérence globale... Bruno Podalydès

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Interview de Joëlle Keyser

Réalisée par Bénédicte Kermadec

Publié le 27 mars 2019

Dans le cadre des "rencontres avec des scriptes étrangères », voici un nouvel échange enrichissant et passionnant avec Joëlle Keyser, scripte belge. L’évolution de nos pratiques au temps du cinéma numérique , et l’apparition des nouveaux outils de scripte (techniques et artistiques) étaient à l’ordre du jour.
Joelle Keyser a un long parcours cinématographique impressionnant. Elle est également la responsable du département scripte à l’INSAS depuis 20 ans
Interview ici

A titre d’exemple :

Le 8eme jour -de Jaco Van Dormael - Palme d’or Cannes
Toto le héros de Jaco Van Dormael-Caméra d’or
« Odette Toulemonde » d’ Eric Emmanuel Schmitt
« Oscar et la dame rose « d’Eric Emmanuel Schmitt
« L’enfant endormi » de Yasmine Kassari
« Saint-cyr « de Patricia Mazuy
« Sans un cri » de Jeanne Labrune
« Mauvais genre » de Francis Girod
« Big City » de Jamel Bensalah

-Quelle a été ta formation initiale ?

J’ai d’abord suivi un cursus universitaire en sociologie … qui garantissait un parcours « sérieux » reconnu par des diplômes. Mais en même temps , et tout aussi important pour moi, j’ai suivi un cursus professionnel de danse classique. C’était ma passion. Il m’était indispensable de mener les deux en parallèle.

Ma surprise a été de découvrir finalement que la scène ne me convenait pas…
Et pourtant les études de socio et la danse me semblaient toujours complémentaires. L’engagement artistique et intellectuel me comblait. Cela se combinait parfaitement.

Du coup en arrêtant la danse classique j’ai essayé de trouver une activité professionnelle, un métier me permettant d’allier les 2.
Et j’ai commencé à m’intéresser au cinéma , que j’ai alors perçu comme un art de réflexion.

C’est ainsi que je me suis inscrite à la section scripte/montage de l’INSAS (institut National supérieur des Arts du Spectacle) à Bruxelles.
J’en suis sortie diplômée et j’ai débuté comme assistante monteuse, monteuse et scripte.
Il faut préciser qu’en Belgique, le poste d’assistante scripte n’existait pas à l’époque en raison du petit nombre de productions.

- Que peux tu dire de tes premières expériences professionnelles ?

Je découvre rapidement que je préfère être sur le plateau parce que j’y trouve une interaction possible sur la dramaturgie.
A contrario j’ai l’impression qu’au montage, il me semble que la marge de manœuvre est plus limitée puisque le travail s’effectue sur une matière tournée.
J’ai le sentiment que la participation de la scripte sur la fabrication du film est plus directe , concrète et en profondeur…

La participation aux deux métiers a duré trois ans, puis finalement j’ai opté pour le métier de scripte a part entière.

- Comment t’installes tu dans ce métier ?

A cette époque , les années 80, il y avait une production belge fort limitée.
Peu de films et donc peu de poste de scripte.
Je suis donc partie travailler en France.
A Lille , où j’ai tourné pour France 3 durant 6 années.
Cela m’a permis d’approfondir mes connaissances et pratiques du métier, essentiellement sur des téléfilms et des feuilletons.

Mais souhaitant toujours faire du cinéma, j’ai fini par démissionner.
Ainsi j’ai commencé à travailler sur des films, et j’ai obtenu la carte professionnelle française .
Je vivais à cheval sur les 2 pays.
A partir des années 90, la production belge a commencé à décoller et j’ai pu choisir de travailler plus souvent en Belgique.
Aprés Toto le Héros, film de Jaco Van Dormael, j’ai privilégié les projets et les tournages en Belgique.

- Peux tu me dire si des différences de pratiques existent entre la Belgique et la France ?

Je parlerai plutôt d’une ambiance, d’une philosophie qui règne sur le plateau et qui fait la différence.
C’est la culture de la dérision , que je n’ai rencontrée nulle part ailleurs, qui me manque sur les plateaux français.
Pour le dire simplement, j’ai le sentiment qu’en France on « travaille avec sérieux » et alors que nous on « s’amuse en travaillant ».

Sinon, nos pratiques , le travail d’équipe, ce qui se fabrique sur un plateau sont à la fois partout pareil, et pourtant à chaque fois unique.
C’est ça qui est formidable dans ce métier.

- Que pourrais tu souhaiter pour l’avenir du métier ?

J’aimerais vraiment que le poste d’assistant soit assuré le plus souvent possible, pour la transmission des savoirs faire et la qualification in situ des futures scriptes.
Inversement cela permet au chef scripte de déléguer une part du travail technologique et ainsi être plus proche de la mise en scène.

Cela me permet de garantir un regard investi et global sur le projet, en travaillant sur la cohérence du récit, le découpage, le jeu des comédiens.

J’ai un vrai souci sur les temps « rétrécis » de préparation et de tournage qui réduit le temps de réflexion de la mise en scène ! C’est la partie la plus importante de mon métier.

Depuis quelques années je me suis davantage investie dans l’enseignement.

J’aime mettre l’accent sur la collaboration étroite à la mise en scène pour un accompagnement jour aprés jour dans la fabrication du film . En restant au plus proche des idées et des intentions initiales.

- Peux tu nous parler de d’évolution ou de nouvelles pratiques de ton métier ?

Tout a changé dans mes pratiques sur le plateau :

D’abord celle de ma place, qui était , au temps de la pellicule, au pied de la camera, en première ligne, permettant un regard en direct, proche des comédiens et des plus concernés par l’œuvre de création – réalisateur, chef op, cadreur –

Avec l’arrivée des retours videos , des combos , j’ai souvent été partagée entre l’envie d’être au coté de certains réalisateurs, derrière l’écran video, et l’envie de garder ce point de vue en première ligne, dans l’axe de la caméra qui aiguise le regard direct sur les comédiens .

L’arrivée des outils numériques, en particulier les tablettes, a permis de renforcer la légèreté , la mobilité , la rapidité.

Cela nous permet d’être plus proche du cœur de notre métier : la mise en scène. Et cela ouvre de nouvelles perspectives !

En tournage,nous avons sous la main, dans notre outil numérique, à disposition permanente, tous les éléments (plans, documents ,notes, continuité , etc. )

Et j’aimerais souligner que si je ne me sens pas partie intégrante de l’équipe mise en scène, cela retire tout l’intérêt de mon travail.

Avec le montage, l’outil numérique m’a permis d’établir un rapport différent. L’élaboration formelle du document est personnalisé (selon le film et le monteur) et cela peut concerner également le contenu.

- Quelles sont les formations initiales reconnues au métier de scripte en Belgique ?

Il ya 2 écoles publiques francophones qui proposent un département en scripte/montage : l’ INSAS ( Bruxelles ) et l’ IAD. (Louvain-la-Neuve)
Il y a l’équivalent du coté Neerlandophone avec le RITCS et Sint-Lucas
(Bruxelles).

Je ne crois pas qu’il y ait de formation scripte dans des écoles privées.
comme l’ESRA ou la HELB , tout au plus une initiation.

- Que peux tu nous dire des protections sociales et du statut de travail ?

Auparavant c’était un travail de salarié « saisonnier » pour le chômage (comme les bucherons) pour avoir accès au chômage….

Il a évolué vers un statut d’artiste, qui n’est pas propre uniquement aux techniciens du cinéma .

Les conditions d’accès sont rudes :
pour les techniciens et les fonctions d’exécution dans le secteur créatif.

Âge Période de référence Jours à prouver
< 36 ans 21 mois 312 jours
de 36 à 49 ans 33 mois 468 jours
> 50 ans 42 mois 624 jours

Puis pour la 1 ere période d’indemnité :

Prouver 156 jours, dont au moins 104 jours dans le secteur artistique sur une période de référence de 18 mois.

Puis pour la prolongation de l’avantage :
Présenter trois contrats de travail de très courte durée (maximum 3 mois) dans le secteur artistique sur une période de référence de 12 mois avant la fin de la première période d’indemnité.

Il n’y a pas eu de convention collective du cinéma jusqu’à présent.
L’ensemble des métiers du cinéma se sont regroupés récemment dans une association commune « Hors Champs » qui défend les conditions de travail et les salaires de tous les techniciens.

Il y a des mouvements de regroupements ou associations pour certains corps de métiers afin de permettre d’échanger et valoriser les metiers , comme en image
(SBC) ou en montage (montage .le).

- Dans quelles structures participes-tu à l’enseignement et la transmsission du métier ?

Formation initiale :
Ecoles INSAS en Belgique - L’ESAV au Maroc (école privée ) - l’ ISIS au Burkina Faso.

J’aime beaucoup mes expériences dans les écoles et le contact avec les étudiants des écoles à l’étranger.

Le métissage culturel est un enrichissement précieux et nécessite de ma part une ouverture au monde.

Ces échanges m’apportent énormément et je ne suis jamais là pour formater leur créativité, leur sensibilité artistique.
Prochainement l’échange va se faire dans l’autre sens :
Je fais venir 2 étudiants scriptes marocains sur des films de fin d’étude à l’Insas dont le tournage va commencer d’ici peu.

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